Sorthérus

²_ Écoutez les amis, ceci est ma quête. C’est mon destin d’affronter ce démon, pas le votre. Vous devez repartir tant que c’est encore possible pour vous. Sorthérus est plus puissante que jamais, je ne risque pas grand-chose avec elle. Fabbia, tu vas prendre Gunthar avec toi ; c’était la volonté de Faroma que l’épée ne tombe pas entre leurs mains et si j’échoue, elle sera sauve.
²_ Non, pas deux fois.
²_ Comment ça ?
²_ J’ai déjà abandonné mon frère, je ne t’abandonnerai pas toi. D’ailleurs, si je l’ai laissé, c’est pour pouvoir t’aider et te protéger. Donc je reste avec toi.
²_ Mais…
_ Elle a raison Élu ; on a tous promis de t’aider au maximum dans cette mission ; on ne peut te laisser seul maintenant.
²_ C’est vrai, Bramah raison. Tu as plus besoin de nous que tu ne le penses.
²_ La question est donc réglée. Et pas de protestation, tu n’as pas le choix. Maintenant il faut qu’on se repose. Je vais prendre le premier tour de garde.²
Je suis secrètement soulagé que mes compagnons aient décidé de rester avec moi. Je vais m’allonger dans un coin pour essayer de trouver un peu de sommeil.

Je me réveille en sursaut ; je suis en sueur. J’essaie de me souvenir du rêve que je viens de faire. J’ai vu Faroma, Sorthérus au poing. Des orcs sont arrivés par dizaines et le guerrier a commencé à en abattre énormément avec l’épée diabolique ; mais quand il est submergé par le nombre, j’entends le cri de plaisir de Sorthérus. Elle n’élimine plus les orcs mais boit la puissance de mon ami. Je suis horrifié de ce que je viens de découvrir.
²_ N’oublie pas que je suis un démon.
²_ Pourquoi ? Pourquoi avoir fait ça ?
²_ Faroma était un guerrier exceptionnel ; jamais je n’aurais eu l’occasion de profiter de sa puissance vitale. De toute façon, c’était finit pour lui ; alors autant que ça profite à tout le monde. Maintenant, sa puissance est mienne, elle coule en moi.
_ Non, ce n’est pas vrai ! Il aurait pu s’en sortir avec toi !
²_ Peut être, peut être pas. Maintenant on ne le saura jamais. Mais pourquoi es-tu si écoeuré ? Après tout, toi et moi ne sommes pas si différent !
²_ C’est faux ! Je ne suis pas comme toi ! Toi, tu es démoniaque !
²_ Tu fais avec moi exactement ce que j’ai fait avec Faroma ! Tu puises en moi quand tu te bas. Tu le fais instinctivement, sans même t’en rendre compte. C’est dans ta nature comme dans la mienne.
²_ Non, c’est faux !
²_ Tu peux le refuser, mais c’est la vérité. Seule une puissance noire peut vaincre un démon de la puissance de Barkor…ou alors quelque un ayant la puissance des dieux avec lui. Tu n’as pas la puissance des dieux et tu dois vaincre « la plus grande menace qui soit pour les deux mondes restants » ; ce sont les paroles exactes de la prophétie.
²_ Je n’ai pas la puissance des dieux mais je t’ai toi ; tu es une puissance noire. Je vaincrais Élu avec toi, mais la puissance noire ne viendra pas de moi.
²_ On verra…²
La colère et la rage montent en moi ; je hais de plus en plus cette épée et je maudis la nuit où ma main s’est posée sur sa garde.
²_ Je sens toute ta haine, ta colère et ta rage ; les principales qualités d’une puissance noire.
²_ Je ne suis pas une puissance noire !²
Avec ce cri, je me lève et abat Sorthérus sur la pierre de toutes mes forces avec l’espoir vain de briser l’épée. L’arme s’abat encore et encore. Je ne fais pas attention à mes compagnons qui me regardent avec crainte. Bien entendu, l’épée reste intacte tandis que la pierre se fend à chaque coup que je donne ; mais cela a au moins l’effet d’apaiser ma colère. Mais le rire de Sorthérus dans ma tête me rend comme fou. Tout d’un coup, je suis paralysé. Apparemment, Fabbia et Lumiel ont récupéré leurs pouvoirs. Fabbia s’approche de moi et pose sa main sur mon front en récitant une de ses formules. Le calme m’envahit peu à peu. Au bout d’un moment, Lumiel commence à intenter Quand elle finit, je suis à nouveau libre de bouger ; elle vient de rompre son sortilège.

²_ Qu’est-ce qui s’est passé ?
²_ Je préfère ne pas en parler.
²_ Des fois, ça fait du bien de parler ; d’ailleurs, on peut peut être t’aider si tu nous expliques le problème.
²_ Non, c’est une affaire entre Sorthérus et moi.
²_ Chut ! Écoutez…
²_ Des orcs…beaucoup d’orcs. On ne peut pas rester ici. Suivez-moi.²
On emprunte le seul passage possible pour nous éloigner de nos ennemis. Tout est de ma faute ; si je n’avais pas fait ce vacarme, les orcs n’auraient pas été alertés. Et tout ça à cause de cette maudite épée ; Sorthérus veut nous voir tous morts.
²_ Non, pas tous. Eux, je m’en fiche complètement ; quant à toi, je ne veux pas que tu meurs…du moins pas maintenant.²

Je poursuis mon chemin derrière Golorel en essayant d’ignorer la voix du démon dans ma tête. Nous sommes maintenant dans un vrai labyrinthe avec de nombreux couloirs qui coupent celui que l’on suit actuellement.
²_ Prends le prochain couloir à droite !
²_ Et pourquoi je ferais ça ?
²_ Si tu veux vivre, prends le prochain couloir à droite. Si tu suis le nain, vous allez tomber sur des ennemis trop nombreux et sans possibilité de retraite.
²_ Comment le sais-tu ?
²_ Je suis un démon, ne l’oublie pas.
²_ Ça, je ne risque pas de l’oublier. Stop tout le monde ! Bramak, au prochain croisement, tu vas où ?
²_ Je continue tout droit et tourne à gauche trois couloirs plus loin ; pourquoi ?
²_ La prochaine à droite, ça va où ?
²_ Ça mène dans d’anciennes mines.
²_ Sorthérus vient de me prévenir que si on continuait, on tomberait sur des ennemis et qu’on serait dépassé par le nombre sans possibilité de retraite. Il m’a ensuite dit de prendre le prochain couloir à droite. Qu’en penses-tu ?
²_ Je ne sais pas. Ton épée est démoniaque ; comment savoir si elle ne nous tend pas un piège ?
²_ Je ne sais pas.
²_ Je peux partir en reconnaissance.
²_ Non Golorel, tu te perdrais ; attendez-moi ici. Si je ne suis pas de retour au plus tard dans trente minutes, c’est que Sorthérus avait raison ; dans ce cas, suivez ses directions.²

Le nain part donc en trottinant puis disparaît rapidement englouti par les ténèbres. Au bout d’une dizaine de minutes, il est de retour.
²_ Alors ?
²_ Il y a bien des orcs là-bas, mais juste une poignée ; rien dont on ne puisse s’occuper…
²_ Mais…
²_ Mais il y a quelque chose d’étrange là-bas. Je ne sais pas ce que c’est, mais c’est bizarre. Une sensation… Je n’ai pas très confiance. Ça pourrait très bien être une embuscade tendue à notre intention.
²_ Qu’est-ce qu’on fait alors ?
²_ On va à droite. Si on est poursuivi, il sera plus facile de semer nos ennemis dans les mines. Mais restez groupés ou vous vous perdrez avec peu d’espoir de retrouver la sortie ; et qui sait ce qui rôde dans les ténèbres Ghâz Rhûm maintenant que mon peuple ne patrouille plus ces cavernes. Allez, ne perdons pas de temps.²
On emprunte donc le tunnel qui s’enfonce dans les entrailles de la terre. Au bout d’un petit moment, on ralentit notre course pour marcher car aucun bruit de poursuite ne nous parvient. Bramak nous conduit à travers différentes cavernes d’un pas sûr. Avec ces ténèbres qui nous entourent et pour seule lumière la faible clarté créée par Élu, je ne me sens pas le moins du monde en sécurité. Ce silence que seul le bruit de nos pas dérange est oppressant. Tout d’un coup, à la limite du petit cercle de lumière, je ressens plus que je n’aperçois un mouvement. Ma main se porte immédiatement sur la garde de Gunthar.
²_ Si tu te bats, tu ferais mieux de m’utiliser ; je suis nettement plus puissant que cette simple épée.
²_ Je ne t’utiliserais que pour éliminer Ça, après tu ne sortiras plus de ton fourreau. Stop, il y a quelque chose qui nous suit et nous observe.
²_ Élu, je n’ai rien remarqué, et les cavernes ça me connaît.
²_ Moi non plus, répliquent en chœur Golorel et Lumiel.
²_ Moi si, affirme Namië. Élu a raison ; il y a quelque chose, mais je ne sais pas ce que c’est. Je sens sa présence, ses mouvements, mais je n’arrive pas à le distinguer.
²_ Fabbia, fais plus de lumière s’il te plait.²
Le cercle lumineux s’élargit et s’intensifie révélant non pas une créature mais des dizaines qui nous encerclent.

²_ Des Ombres des Ténèbres, par dizaines, souffle Bramak avec une pointe de peur dans la voix. Il faut partir, et vite.
²_ Il est trop tard !² Ce cri poussé par Golorel nous prévient de la première vague d’attaque. Les sorcières commencent à intenter tandis que les autres passent à l’attaque. Mais l’expression de terreur que je lis sur chaque visage me paralyse ; je ne sais que faire et j’attends bêtement, Gunther la main.
²_ Il faut que tu partes, immédiatement !
²_ Je ne peux pas abandonner mes amis.
²_ Je ne vais pas pouvoir te cacher encore longtemps ; les Ombres des Ténèbres vont vite me repérer, et par conséquent te repérer. Et même si tu te battais avec moi, tu n’aurais quasiment aucune chance de t’en sortir. Il est trop tard pour tes amis ; mais si tu veux vivre et vaincre Ça, il faut fuir.
²_ Je ne les abandonnerais pas ; je ne peux pas faire ça.
²_ Qu’est-ce que tu crois que eux voudraient ? Ils voudraient que tu continues ta quête et que tu tues Ça Si tu restes, tu mourras.
²_ Si mon heure est arrivée, alors je suis prêt à l’accepter.
_ Non, tu ne peux mourir maintenant ; penses à ce que t’a dit Faroma avant de mourir. Et rappelle toi des paroles de Marie ; si tu ne le fais pas pour toi, fais-le au moins pour eux.²
Même si c’est difficile pour moi de l’accepter, je sais au plus profond de mon être que le démon a raison. Je fuis donc la bataille la mort dans l’âme et la rage au cœur. Je m’enfonce dans les ténèbres et fuis les monstres. Cela fait maintenant plusieurs heures que j’ai abandonné mes amis mais le vacarme de la bataille résonne encore dans ma tête. La terreur que j’ai vu sur le visage de mes amis me hanteras jusqu’à la fin de mes jours ; je les ai abandonnés quand ils avaient le plus besoin de moi.

²_ Tu ne pouvais rien pour eux.
²_ Tout ça, c’est de ta faute ; si on n’avait pas tourné à droite, on serait encore ensemble.
²_ Et prisonniers de Barkor…dans le meilleur des cas. Mais si j’avais su que des Ombres des Ténèbres se terraient dans les anciennes mines, jamais je ne vous aurais fait passer par là ; tu as eu beaucoup de chance de t’en sortir. Mais tu ne peux rester ici à te lamenter ; tu approches de ton but, et il te faut achever ta quête.²
Je reprends mon chemin dans les ténèbres. Après un certain temps, je m’assieds pour prendre du repos.

Je me réveille en sursaut. Je me suis endormi ici ; j’ai eu de la chance de pouvoir me réveiller.
²_ Je n’ai pas besoin de repos moi, je montais la garde. Tu ne risquais rien.²
Après avoir grignoté les quelques provisions qu’il me reste, je repars dans les ténèbres des tunnels. Après environ deux heures de marche, j’aperçois de la lumière au bout du tunnel.
²_ Ça y est, dans cette salle trône Barkor. Il est là, je sens sa puissance ; d’ailleurs, il t’attend certainement.
²_ Comment peut-il savoir que je ne suis pas mort ?
²_ Il a des espions partout. Les corps de tes amis ont du être trouvés ; mais toi tu n’y étais pas. C’est donc que tu dois être encore en vie.²
Je vais dans une petite salle à proximité pour prendre un peu de repos et réfléchir à un plan d’action.

Le temps passe et je suis toujours là. A vrai dire, je n’ai toujours pas de plan d’action ; et plus j’attends, plus je prends le risque de me faire découvrir. Mais je n’ose pas y aller ; la vérité est que j’ai peur.
²_ Oublie ton côté humain ; la peur, est humaine, mais les puissances noires n’ont pas peur. La peur te rend faible.
²_ Je ne suis pas une puissance noire, je suis humain.
²_ En partie, oui…
²_ Qu’est-ce que tu insinues ?
²_ Est-ce que tu crois que je t’ai choisi par hasard ? Penses-tu qu’un humain ordinaire, venant de ton monde qui plus est, aurait survécu ne serait-ce qu’à un seul combat ? Regarde la réalité en face et accepte la vérité. Tu n’es pas un humain ordinaire.
²_ Je suis un humain comme les autres !
²_ Non ; d’ailleurs, Faroma l’a dit. Je ne choisis que des héros, et pour être un héros il faut des capacités que quelque un d’ordinaire n’a pas. En ce qui te concerne, tu puises dans ton côté noir. Tu es à moitié humain et à moitié démon et le nier ne changera rien.
²_ Tout ça c’est des mensonges !
²_ Te rappelles-tu tes deux parents ?
²_ Bien sûr ! Et aucun d’eu n’est un démon si c’est-ce que tu veux dire !
²_ Je ne te parle pas de tes parents adoptifs… Te souviens-tu de tes parents biologiques ?
²_ Comment sais-tu que j’ai été adopté ?
²_ Je suis en toi, je connais tous tes secrets. C’est ton côté démon qui a créé un lien entre toi et moi.
²_ Je t’ai déjà dit que je n’ai rien d’un démon.
²_ A quand remonte ton plus vieux souvenir ?
²_ Je devais avoirs dans les quatre ans, pourquoi ?
²_ Ta partie démon se souviens de tout dès les premières secondes de ta vie. Ta mère était humaine et ton père démon. Je ne sais pas comment il a pu avoir accès à ton monde, toujours est-il qu’il y était et qu’il a violé ta mère. Neuf mois plus tard, tu naissais. Au début, ta mère a pensé pouvoir s’occuper normalement de toi, mais tu lui rappelais ce qu’elle avait vécu. Au bout de quelques mois, elle t’a abandonné pour recommencer une nouvelle vie. C’est là que ceux que tu appelles tes parents t’ont recueillis. Ils ne savent rien de tes parents biologiques car ils t’ont trouvé abandonné dans un parc au bord d’un lac. Le reste, tu t’en souviens.
²_ Pourquoi fais-tu ça ? Pourquoi me racontes tu ce tissus de mensonges ?
²_ Parce que c’est la vérité.
²_ Si c’est la vérité, pourquoi je ne me souviens pas ? Après tout, « mon côté démon » se souvient d’absolument tout.
²_ N’arrivant pas à trouver quelque un d’autre comme toi, tu as tout enfouit le plus loin possible dans l’espoir d’oublier ; et ça a marché…en surface. Mais gratte cette croûte et le démon réapparaît.
²_ Plutôt que de débiter ces conneries, prépare-toi à un combat. Je ne peux attendre ici éternellement.
²_ Très bien dit. Allons-y.²

Je retourne dans le couloir et me dirige vers la lumière. Je rentre dans la salle qui découvre alors ses proportions gigantesques. Le trône d’or est au milieu mais il est vide. A sa gauche Est-ce que je suppose être le portail qui mène droit aux enfers. Je m’avance un peu plus dans la salle, Gunthar dans ma main droite et Sorthérus dans la gauche. Sur un des murs, je vois mes amis enchaînés ; ils sont vivants mais inconscients. Moi qui les pensais morts, je suis surpris. Autre chose bizarre, Namië n’est pas avec eux. Je lève mon épée et m’apprête à frapper la chaîne pour les libérer quand un rire affreux me glace les os. Je me retourne et vois un immense démon maintenant assis sur le trône.

²_ Bienvenu dans mon royaume, Élu.
²_ Barkor, je suppose.
²_ Tout juste. Si j’étais toi, je ne m’inquièterais pas pour eux ; ils sont encore en vie, ce qui ne sera bientôt plus ton cas.
²_ Je ne pense pas que je vais mourir ; j’ai une arme capable de te détruire.
²_ Qu’attends-tu pour tenter ta chance alors ?
²_ Tu es pressé de mourir ?
²_ Je dois avouer que tu ne manques pas de courage. Pour un humain venant de ton monde, tu as fais plus que je ne te croyais capable ; mais regarde la réalité en face, sans tes amis et Sorthérus, tu n’es rien !
²_ Peut être, peut être pas. Mais qui sait ? Après tout, ne suis-je pas Élu ? Et j’ai avec moi une autre épée dont tu connaîtras également la morsure. Mais assez parlé, ton heure est venue Barkor.²
Au moment où je commence à courir vers le démon pour engager le combat, il lève son bras droit et prononce un mot. Une vague d’énergie déferle sur moi et me renvoie plusieurs mètres en arrière. Je me relève mais, au moment où j’allais repasser à l’attaque, mes muscles se figent ; je suis totalement immobilisé.

²_ Sorthérus, libère moi.
²_ Je suis désolé, mais mon heure est venue.
²_ J’avais raison de ne pas avoir confiance en toi démon !²
Barkor s’avance lentement vers moi prenant manifestement du plaisir à mon angoisse.
²_ Je crois, « Élu », que tu n’auras plus besoin de cette épée. Je te remercie de me l’avoir apportée car ça me fait un puissant allié en plus.
²_ Pourquoi un démon voudrait se servir d’une épée ? C’est ridicule !
²_ L’allié n’est pas l’épée mais Sorthérus lui-même. Vois-tu, je suis le premier être à avoir la puissance nécessaire pour briser le sortilège de Priscillia et libérer Sorthérus. Une fois qu’il sera libre, rien ne pourra nous arrêter. Tu vas avoir le privilège d’assister à la libération d’un des démons les plus puissants qui soient. Après, tu mourras.
²_ Et tu crois que je vais te laisser faire ?
²_ Et comment comptes-tu m’arrêter ? Tu es immobilisé par une magie très puissante ; seule un autre grande puissance pourrait te libérer et Sorthérus est de mon côté. Quant à tes amis, ils sont enchaînés et impuissants. Et ne crois pas qu’un ange va venir ici pour t’aider ; ceci est mon royaume, et même les créatures de Mynard ne peuvent le pénétrer. Mais trêve de discussion, j’ai un démon à libérer.²

Barkor m’arrache l’épée des mains et va la déposer au centre d’un pentacle. Le roi-démon commence des incantations et la pièce se remplit d’énergie magique ; des flammes bleues s’élèvent de plus en plus haut depuis le pentacle. Au bout de quelques minutes, le bruit d’une détonation m’assourdit puis la pièce est plongée dans le noir. Sorthérus est toujours dans le centre du pentacle et je ne remarque aucun changement si ce n’est qu’elle brille d’un rouge aveuglant.
²_ Barkor, tu as échoué.
²_ Je ne crois pas, Élu, me dit-il d’une vois essoufflée. Le sortilège m’a peut être affaiblit, mais pas au point de ne pas voir ma victoire. Les défenses magiques posées par Priscillia sur l’épée étaient supérieures à ce dont je m’étais attendu ; néanmoins, j’ai réussi à les briser. Il ne me reste plus qu’à détruire l’épée et Sorthérus sera enfin libre. Ceci est mon heure de gloire !²
Le roi-démon attrape l’épée diabolique et l’abat d’une force phénoménale sur le trône d’or. Un éclair aveuglant m’éblouit tandis qu’une épaisse fumée noire envahit la salle. Un hurlement retentit puis, la voix que j’ai si souvent entendue dans ma tête déchire le silence qui venait juste de s’installer.
²_ Libre ! Je suis enfin libre ! Après toutes ces années, je peux à nouveau arpenter le monde !

²_ Sorthérus, mon ami, le monde nous appartient.
²_ Que veux-tu dire par « nous appartient » ? demande Barkor. Pourquoi le partager alors que je peux régner seul ?
²_ Serait-ce un défi que tu me lances en refusant mon amitié ? N’oublie pas à qui tu dois d’être libre.
²_ Je ne l’oublie pas ; c’est à cet humain que je le dois. Toi, tu as essayé de l’éliminer, ce qui aurait réduit à néant mes efforts pour parvenir jusqu’ici et être libéré.
²_ Mais n’oublie pas qui est roi ici ; malgré ta puissance, tu n’es qu’un prince Sorthérus. Bien que Priscillia n’ait pu t’éliminer définitivement, moi j’en ai le pouvoir.
²_ Mais en ce moment tu es faible. Je vais m’abreuver de ta puissance et je serais invincible !²
A ce moment là, Sorthérus attrape Barkor par la gorge ; une lueur dorée nimbe les deux démons tandis qu’un silence assourdissant règne dans la pièce. Au bout de quelques instants, Sorthérus lâche le roi-démon qui s’effondre. Le corps sans vie du monstre se consume puis disparaît totalement. Seule une trace noire révèle l’emplacement de la mort d’un des plus grands fléau des mondes.

²_ Élu, je te laisse une chance de t’en sortir. Grâce à toi je suis libre ; en remerciement, toi et tes amis pouvez partir et rentrer à Finchester en sécurité. Qu’en dis-tu ?
²_ Je refuse. J’étais venu pour tuer Barkor, tu as pris sa place et tu es beaucoup plus dangereux que lui. « La plus grande menace qui soit pour les deux mondes restants », ne seraient-ce pas les paroles de l’Oracle ? Je pense que la prophétie a été mal interprétée ; TU es la plus grande menace qui soit pour les deux mondes restants. C’est mon destin de t’affronter.
²_ Et comment comptes-tu m’éliminer ? Tes amis sont prisonniers et de toute façon inconscients ; quant à moi, je ne suis plus une épée à ta ceinture. La magie de Barkor est extrêmement puissante et tu en es prisonnier. Et même si tu réussissais à te libérer, ne penses même pas pouvoir me tuer avec Gunthar, tu échouerais. Aussi doué qu’ait été le père de Faroma, il n’avait en rien les capacités de Priscillia ; et même elle a échoué.
²_ Mais cette fois-ci je n’échouerai pas !²
Sorthérus sursauta car il ne s’attendait pas à une intrusion. Un clappement de main se fait entendre et des dizaines de flammes apparaissent flottant dans les airs et illuminant la salle du trône de l’ancien royaume nain. Puis, avançant lentement, Namië apparaît dans mon champ de vision. Je ne suis qu’à moitié surpris de la voir ici.

²_ Ah, Namië j’avais remarqué que tu ne faisais pas partie des prisonniers de Barkor, mais je pensais que les Ombres des Ténèbres t’avaient tuée.
²_ Désolée de te décevoir Sorthérus. Quand j’ai vu l’Élu disparaître, je me suis dit que tu le cachais pour qu’il survive. Je me suis donc éclipsée et je l’ai suivi au bruit de ses pas jusqu’à ce que tu fasses tomber le camouflage. J’ai attendu que tu sois libéré et que tu tues Barkor pour intervenir.
²_ Comment savais-tu que je le tuerais ?
²_ Tu es un démon. Barkor affaiblit, tu ne pouvais que saisir l’occasion de prendre sa place.
²_ Comment savais-tu qu’il serait suffisamment affaibli ?
²_ Les sortilèges de protection que j’avais installés sur l’épée pour t’enfermer étaient les plus puissants qui existaient. Même un roi-démon serait très affaibli pour lever ces sorts.
²_ Les sorts que « tu » avais installés ?
²_ Oui. Mais je pense que tu me reconnaîtras mieux sous ma véritable forme.²
Sous mes yeux ébahis, l’elfe change de forme.
²_ C’est impossible. Tu es morte il y a plusieurs siècles.
²_ C’est vrai. Mais lorsque Varrick a prédit ton retour, Lauraënnna a réalisé que personne ne pourrait te vaincre. La déesse guerrière des elfes a alors pensé à moi ; je t’avais déjà vaincu une fois, j’aurais donc toutes mes chances de te vaincre une seconde fois. Elle est donc allée voir Mynard qui a accepté de me faire revenir pour t’affronter. Je me suis donc réveillée un beau matin dans une forêt non loin de Finchester ; c’était il y a un peu plus de quatre ans maintenant. J’ai pris l’apparence de cette elfe pour passer inaperçue, et j’ai attendu que tu refasses surface. Et aujourd’hui, te voilà de nouveau libre ; je vais donc finir ce que j’ai commencé il y a si longtemps. Sorthérus, aujourd’hui tu vas mourir.

²_ À l’époque, tu n’as pas réussi à me tuer. Et j’ai maintenant ma puissance d’antan plus celle de tous les héros qui sont morts au combat avec moi, ce qui t’incluse Priscillia. De plus, la puissance de Barkor, le premier roi-démon, est mienne. Non, vraiment, tu n’as aucune chance.
²_ Mais cette fois-ci, j’ai l’arme qu’il faut pour te tuer : la masse d’Igildar, forgée et bénie par Lauraënna en personne.
²_ Puisque tu penses avoir une chance, que le combat commence !²
Namië, ou dois-je dire Priscillia, bondit sur Sorthérus et abat son arme…dans le vide ; le démon réplique et trouve également le vide. Le combat s’intensifie. J’essaie désespérément de me libérer pour aller aider l’elfe, mais rien n’y fait. Le sortilège est vraiment trop puissant, et je ne peux vraiment rien faire.

Après un long combat à la fois avec des armes et de la magie, l’elfe se fait désarmer. A la vitesse de l’éclair, Sorthérus fait tomber Priscillia à la renverse et l’immobilise. Une épée apparaît dans sa main et la pointe se dirige vers la gorge dénudée de mon amie. Au moment où le coup fatal va tomber, toute ma haine, ma rage et ma colère refont surface avec une force phénoménale. Le sortilège qui me retenait prisonnier éclate comme du cristal. Je me précipite vers le démon et enfonce Gunthar jusqu’à la garde dans son dos. Un cri de rage et de surprise sort de la gorge du monstre. Puis, au bout de quelques secondes, le corps de Sorthérus se désagrège pour se transformer en une épaisse fumée noire. Gunthar tombe au sol et je la ramasse. Priscillia profite de l’occasion pour lancer un sortilège tant que Sorthérus ne peut rien contre nous. On ressent une légère vibration dans l’air qui s’intensifie. Un hurlement de haine et de colère s’élève dans la salle tandis que la brume noire est aspirée par le portail. D’autres créatures sont renvoyées en enfer. Un vent se lève dans la salle ; plus les secondes passent et plus le vent se renforce. Assez rapidement, je dois me cramponner à une colonne de pierre pour ne pas être emporté par la tempête. Mais celle-ci augmente encore et je ne peux tenir plus longtemps ; je lâche prise. Je suis ballotté par ce vent d’une force terrible et je constate avec horreur que je suis envoyé vers le portail. Au bout de quelques instants, je suis envoyé à travers le portail et tombe pendant une éternité. Au loin, je vois la lumière du portail qui diminue de plus en plus jusqu’à ce que ce dernier soit définitivement fermé. J’atterris de façon assez dure sur un sol rocailleux. Un dernier coup d’œil avant de m’évanouir me confirme ce que je redoutais : je suis en enfer.

Et voilà, vous avez enfin tout. J'espère que ça vous a plu. Si vous avez des remarques, des suggestions etc...n'hésitez pas. Je suis ouvert à toute critique constructive^^